menu

 Vin de Tahiti : histoire de la viticulture en Polynésie française

Août 17, 2023

Avant que le Vin de Tahiti, tel qu’on le connaît aujourd’hui, voit le jour, Dominique Auroy a dû faire face à de nombreux sceptiques qui pensaient qu’il était impossible de cultiver des vignes sous de telles latitudes. Le pari était audacieux. La Polynésie française, mondialement reconnue pour ses paysages paradisiaques, était un territoire où la culture de la vigne ne trouvait pas sa place car on la pensait inadaptée à cette activité viticole. Pour autant Dominique Auroy, homme de défis et passionné de viticulture, ne s’est pas laissé découragé. En 1992, il tente une expérience unique : planter des vignes en Polynésie française, où le climat est exempt d’hiver. Retour sur l’histoire du Vin de Tahiti.

En 1984, Dominique Auroy rachète une société spécialisée dans l’importation et la distribution de vin en Polynésie. Il découvre alors une réalité surprenante : chaque année, pas moins de 4 millions de bouteilles de vin sont consommées en Polynésie française. Cette découverte le fascine et il se demande alors pourquoi ne pas envisager la production de vin à Tahiti.

J’ai exposé mon projet à différentes personnes, en expliquant que je trouvais dommage de ne pas élaborer un vin régional. Tous m’ont répondu qu’il était impossible de faire pousser des vignes dans ces régions”, se souvient Dominique Auroy. Beaucoup le prenaient pour un utopiste ou un fou, mais malgré les avis pessimistes, Dominique Auroy décide malgré tout de se lancer dans la production de vin en Polynésie. “D’une certaine manière, ce scepticisme me provoquait, je devais réussir“.

1992 : Lancement des essais de plantation de la vigne en Polynésie française

Afin de concrétiser ce projet ambitieux de créer un vignoble en Polynésie, Dominique Auroy s’entoure d’experts. Il fait appel à Olivier Montlahuc, ingénieur agronome, ainsi qu’à Bernard Hudelot, vigneron bourguignon qui, à son tour recrute Fabrice Baffou, jeune diplômé passionné de viticulture et d’œnologie.

Après avoir formé son équipe d’experts, Dominique Auroy importe d’Europe un panel de 50 cépages soigneusement sélectionnés, comprenant 25 variétés dédiées à la production de vin rouge, 15 dédiées à la production de vin blanc et 10 cépages destinés à la consommation sous forme de raisins de table. 

Dès septembre 1992, les cépages sélectionnés sont expérimentés dans les principaux archipels de la Polynésie française, à savoir : les archipels de la Société, des Australes, des Tuamotu et des Marquises. Ces premiers essais visent à identifier les archipels propices à la culture de la vigne ainsi qu’à trouver les cépages les mieux adaptés aux sols polynésiens.

Dès le début, j’ai cherché à favoriser les équilibres naturels grâce à une viticulture soignée. L’objectif était d’atteindre l’équilibre entre la vigne et son environnement, afin de permettre l’expression authentique du terroir et du climat particulier de la région” explique Dominique Auroy.

Plants de vignes pour la production du Vin de Tahiti au Domaine Dominique Auroy situé à Avatoru à Rangiroa

Il apparaît rapidement que certains cépages nécessitent plus d’attention qu’en métropole. À Rurutu, les pieds de vigne sont mangés par les chevaux. Tandis qu’à Tahiti, à la Presqu’île, à Moorea et aux Marquises, les résultats sont peu fructueux en raison notamment des parasites, des grèves ou encore de l’éloignement des îles.

Malgré des résultats qui semblent peu favorables, Dominique Auroy garde espoir. Le 22 janvier 1993, il décide de donner une existence juridique à son projet en créant la société Ampélidacées, qui deviendra une société anonyme en 1996.

1993 : une première expérimentation viticole sur l’atoll de Hao

Sur le plan climatique, l’archipel des Australes se démarque et les résultats sont notamment encourageants sur l’île de Tubuai. Après une année de tests concluants, une synthèse des problèmes rencontrés est réalisée pour décider de la poursuite du projet sur l’île. 

Trois éléments sont essentiels au développement d’une plante : la qualité du sol, l’eau et l’ensoleillement. Les deux premiers sont gérables sur l’ensemble de la Polynésie, cependant il est apparu que l’ensoleillement des plantes y est inférieur de 25% par rapport à l’Europe. En Polynésie, les journées durent entre 11 et 13 heures, comparé aux journées pouvant aller jusqu’à 18 heures en Europe pendant l’été. De plus, pendant la saison hivernale en Europe, les plantations sont en dormances. Tandis qu’en Polynésie où il n’y a pas d’hiver, le cycle végétatif est continu. 

Compte tenu du rôle déterminant de l’ensoleillement sur la qualité du raisin, l’équipe d’exploitation décide de réorienter ses recherches vers l’archipel des Tuamotu, qui bénéficie d’un fort ensoleillement. Il ne leur reste plus qu’à trouver l’île la mieux adaptée pour initier les plantations.

L’île de Hao s’impose rapidement en raison notamment de l’arrêt des installations du Centre d’expérimentation du Pacifique (CEP) et de la volonté des autorités de diversifier les emplois. 

En 1995, le projet peut officiellement redémarrer. L’équipe d’exploitation de Hao reçoit 3600 plants dont une cinquantaine de cépages importés d’Europe. Un terrain d’environ 3 hectares est retenu pour développer la parcelle expérimentale de vigne, mais très vite, le processus de croissance se révèle exigeant et délicat. Les premières grappes n’apparaissent en effet qu’après une année de patience et d’efforts considérables. 

En novembre 1995, le projet attire l’attention jusqu’au sommet du gouvernement. Simone Grand, alors ministre de l’Agriculture, se rend sur l’île de Hao pour visiter la parcelle expérimentale de vigne. En découvrant le potentiel et les efforts déployés dans ce projet atypique, la ministre décide d’apporter son soutien au développement de l’exploitation viticole, qui n’avait jusque-là, aucun soutien financier.

1996 : Échec et fin des expérimentations à Hao

Le projet de plantation de vignes à Hao est rapidement mis à l’épreuve par une complication inattendue : l’équipe constate que dès lors que les grappes de raisins atteignent leur maturité, elles disparaissent mystérieusement pendant la nuit, victimes de pillages perpétrés par les habitants des environs. Même Thierry Chaumais, responsable de l’exploitation, s’est retrouvé menacé lorsqu’il a tenté d’intervenir pour préserver la récolte.

De plus, l’éloignement géographique entre Hao et Tahiti, ainsi que la rareté des liaisons aériennes à cette époque ont fortement entravé le suivi régulier du projet et son avancement.

Malgré un investissement financier considérable, s’élevant à près de 110 millions de francs Pacifique, l’équipe parvient à la difficile conclusion qu’il est préférable de mettre un terme à l’activité viticole sur l’île de Hao.

Dominique Auroy ne se laisse pas décourager pour autant. Il se met rapidement à la recherche d’une nouvelle destination qui pourrait enfin donner vie à son rêve de viticulture en Polynésie française.

1997 : Rangiroa, un lieu idéal pour la culture de la vigne en Polynésie

C’est finalement l’atoll de Rangiroa, niché au cœur de l’archipel des Tuamotu, qui est choisi pour continuer à mener à bien le projet. L’atoll est situé à environ 350 kilomètres au nord-est de Tahiti et sa localisation permet un suivi régulier des plants de vigne. De plus, Rangiroa bénéficie d’une forte exposition au soleil, avec près de 12 heures d’ensoleillement quotidien. Les récoltes sont ainsi facilitées et s’effectuent tous les 5 mois et demi, au rythme du cycle végétatif de la vigne.

Ainsi, à la fin de l’année 1997 et suite à d’importants travaux de défrichage, les vignes de Hao sont transférées vers Rangiroa. C’est sur un motu inhabité de 5 kilomètres, propriété du Pays, que se porte le choix de cette nouvelle implantation. 

Vin de Tahiti : vue aérienne du Domaine Dominique Auroy situé à Avatoru Rangiroa
La parcelle est située à une distance de 5 kilomètres d’Avatoru et accessible exclusivement par voie maritime – une solution efficace au problème des vols de raisin. 

Face à l’intense chaleur de Rangiroa, un système d’arrosage en goutte à goutte est installé à la base de chaque pied de vigne. L’eau est prélevée à partir d’une dizaine de puits, stratégiquement répartis sur l’ensemble du vignoble afin d’assurer un approvisionnement en eau optimal.

Les enseignements tirés de l’expérience à Hao sont bénéfiques pour la poursuite du projet à Rangiroa, tant dans la sélection des cépages que dans la mise en œuvre des méthodes les mieux adaptées à ce nouvel environnement.

Parmi les cinquante variétés de cépages soumises à des tests, seules trois se distinguent par leur capacité à résister aux défis présentés par Rangiroa : le Carignan rouge, l’Italia blanc et le Muscat de Hambourg. Le Carignan rouge se démarque en s’adaptant parfaitement au contexte de Rangiroa. 

1999 : Les premières vendanges du Vin de Tahiti

En 1998, l’installation d’un hangar de 190 m2 marque une étape importante, tandis que la construction de serres vient renforcer le développement continu du domaine.

L’année suivante, en 1999, les premières grappes de raisin voient le jour à Rangiroa, donnant lieu à la toute première vendange, où seulement 3 kilos de raisins sont récoltés. Ces précieuses grappes sont transformées en 1,5 litre de vin, soigneusement conservé en mignonette. 

Vin de Tahiti : Le cépage Carignan du Domaine Dominique Auroy situé à Avatoru à Rangiroa

Au fil des années, l’équipe d’exploitation s’emploie au perfectionnement continu des techniques œnologiques, avec pour but ultime la création d’un produit de qualité commerciale. Lors de sa visite du vignoble en décembre 2000, Bernard Hudelot a été témoin de l’extraordinaire adaptation du cépage Carignan à Rangiroa.

Cependant, les premiers vins rouges, en raison de leur faible rendement, présentaient une forte teneur en tanins et étaient peu agréables à consommer sous forme de vin nouveau. L’ensoleillement de surcroît, ne suffisait pas à assurer une maturation optimale. Mais compte tenu d’une excellente acidité positive pour la production de vin blanc, la décision a été prise de vinifier le Carignan rouge en blanc. À noter que tous les jus de raisin sont naturellement de couleur blanche et c’est lors de la macération que la couleur est extraite. Depuis, Vin de Tahiti est la seule entité sur la planète à produire un vin blanc à partir du Carignan rouge. 

En 2002, sous la direction de Sébastien Thépénier, le domaine entame une phase d’expansion significative. Un ambitieux projet est lancé, aboutissant à l’ajout de 5 hectares de vignes, portant la superficie totale du domaine à 7,5 hectares.

Vin de Tahiti : Expansion du Domaine Dominique Auroy à Avatoru Rangiroa

2005 est une année charnière dans l’évolution du domaine, marquée par la construction d’une cave moderne de 400 m2. Cet espace multifonctionnel abrite une boutique, un caveau de dégustation, une cave d’élevage, une cuverie ainsi que des laboratoires dédiés aux analyses qualitatives. Ce nouvel ajout témoigne de la détermination de l’équipe à pousser les limites de la viticulture en Polynésie.

Au cours des années suivantes, la production progresse de manière constante, passant de 50 kilos de raisins en 2000 à une impressionnante récolte de 56 tonnes en 2006.

Vin de Tahiti : un vin reconnu à l’international

Le travail acharné de l’équipe conjugué à la qualité croissante du Vin de Tahiti ont valu une reconnaissance grandissante au fil des années. Cette reconnaissance s’est notamment matérialisée par l’obtention de médailles d’Argent aux Vinalies internationales de Paris en 2008 et 2009, récompensant les vins blancs secs et blancs de corail de l’année 2007.

En 2009, le vignoble subit les assauts d’un cyclone et de deux dépressions tropicales, causant des dégâts considérables. Heureusement certains des pieds de vigne, les plus anciens, ont résisté, permettant à l’exploitation et au Vin de Tahiti de se relever de cette épreuve.

Dès octobre 2010, le domaine amorce une démarche bio, témoignant de son engagement durable et de son éthique envers la nature et l’environnement.

En 2012, le domaine atteint une production de 50 000 bouteilles par an, faisant de Dominique Auroy le propriétaire de 7,5 hectares de terres transformées en un vignoble fertile et prospère.

Les bouteilles Vin de Tahiti sont disponibles dans les boutiques Millésime Tahiti et sur le site Vin de Tahiti.

C’est un bonheur aujourd’hui de pouvoir parcourir les rangs, effleurer les ceps tout en respirant les embruns de l’océan, ou de presser une grappe entre mes doigts pour en boire un jus chaud et sucré“, confie Dominique Auroy avec un enthousiasme contagieux.

L’histoire du Vin de Tahiti a prouvé que la passion, l’audace et le savoir-faire pouvaient défier les contraintes géographiques pour créer un produit unique en son genre. Cette histoire continue de s’écrire, et l’on peut espérer que cette expérience pionnière servira de base pour de futurs développements dans le monde de la viticulture en Polynésie.

Mon père a réussi son pari, en amoureux de la Polynésie, il laisse en héritage aux Polynésiens, un vin qui est désormais le leur ! Ce n’est plus le vin de Dominique Auroy, c’est le vin des Polynésiens.” se réjouit Christina Teihotaata, la fille de Dominique Auroy.

Retrouvez toutes nos bouteilles Vin de Tahiti sur notre site en ligne et dans les boutiques Millésime Tahiti situées à Papeete, Arue, Punaauia, Taravao en Polynésie française.

Partager

Laisser un commentaire

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *

ECRIVEZ-NOUS

&

© 2023